22.7.11

Grande cuvée bordelaise

Bordeaux, c'est un peu comme la caverne d'Ali Baba de l'architecture.
Toutes les semaines, une nouvelle agence (qui a de la bouteille et plutôt de dimension internationale) gagne un concours en terre girondine. Cher confrère, je ne vois qu'une seule solution au fait que vous n'auriez pu le remarquer vous même... vous vivez en ermite et sûrement pas dans une cabane perdue dans les vignes !

Il y a quelques jours, c'est le journal l'Équipe (oui, bon...) qui m'a appris la dernière luxueuse nouvelle en date : Herzog et de Meuron réaliseront le nouveau stade de la ville (livraison prévue pour l'Euro 2016).

Mais qui a écrit cette légende ???

Voici donc un petit tour d'horizon des projets urbains ou architecturaux en cours autour du Port de la Lune (à suivre avec le plus grand intérêt) :


La caverne d'Ali Baba bordelaise © MargauxD


1 - MVRDV / ZAC Bastide Niel
Aucune image du projet disponible, mystère, mystère...

© mvrdvpr



© Reichen Robert et Associés



© 2009 ANMA Agence Nicolas Michelin & Associés



© CCTV X-TU Luxigon


5 - Ateliers Jean Nouvel / Tour de logements quartier Saint-Jean
Très peu d'informations circulent sur l'avancement de ce projet...

© Ateliers Jean Nouvel


On peut d'ailleurs parier que la plupart de ces projets seront présentés à la cinquième Biennale d'architecture, d'urbanisme et de design de la ville : Agora 2012. À Bordeaux, du 13 au 16 septembre 2012, sous la direction de Marc Barani et avec comme thématique principale le patrimoine. Une occasion toute à fait professionnelle d'aller prendre l'apéro sous le soleil au bord du miroir d'eau...

© DR



À ÉCOUTER :

The Kinks - Sunny Afternoon - 1966

25.5.11

Barbie mon amie, ma consoeur

Oui, toi Barbie, la grande blonde dont le plastique de rêve complexe tant de femmes. Toi qui aime le rose autant que la Reine Elizabeth II aime les couleurs pastel. Toi qui arrive à garder un brushing impeccable sous ton casque de pilote de course (ou bien sous celui d'astronaute, ça dépend des jours). Toi qui ne casse jamais une corde de ta guitare de rock star. Toi qui sauve toujours les pauvres dauphins en danger et réussit les meilleures pizzas du monde. Et bien, à toi mon amie ma con-soeur, et à tes Caterpillar à talons, je vous souhaite bien du plaisir sur les chantiers!

Ah, et j'espère que ton client n'a pas encore vu la maquette du projet que tu lui concoctes. Un conseil, ressorts tes Rotring.

Bon sinon, tes lunettes... j'aime bien.


Barbie architecte cherche du travail.


À ÉCOUTER :

Aqua - Barbie Girl - 1997
 

15.4.11

Gerrit enchante Merlin

C'est le festival de la maison chez Leroy Merlin. Et pour fêter ça comme il se doit, notre magasin de bricolage nordiste préféré a décidé de tapisser les murs des stations de métro parisiennes d'une nouvelle publicité, comment dire, "drôlement chapeautée".

Cette série de visuels vous propose de faire corps avec votre maison. Sachez tout d'abord qu'il y en a pour tous les goûts. Chacun trouvera ainsi "maison à sa tête", car les conseillers en communication de l'agence Péoléo qui ont imaginé ces publicités pour appâter le chaland chez Merlin, ont bien repéré les différentes « minorités à fort pouvoir d'achat ». Ainsi, que vous soyez bobo/écolo, vieux loup de mer ou punk citadin, pas de panique, vous trouverez tout ce qu'il faut pour aménager votre doux hameau chez Merlin l'enchanteur.

















Non, pas de panique.
Par contre, on peut quand même s'inquiéter (ou plutôt se moquer) de l'image de la maison contemporaine que véhiculent ces publicités. Car ce qui interpelle ici (en plus des catégories de population plus ou moins réductrices), ce sont les types de maisons choisies. Passons sur l'inévitable revêtement bois de la maison du bobo/écolo car c'est surtout celle qui semble destinée à ce que l'on appellera le « cadre supérieur branché » qui interroge.

à gauche, le bobo/écolo, à droite, le cadre sup branché.















Parce que, bizarrement, je trouve à cette humble demeure des airs de déjà vu. Oui, elle ressemble vaguement à quelque chose que nous connaissons (on finit toujours par appliquer nos réflexes professionnels à la vie de tous les jours, déformation professionnelle oblige). Voilà un peu d'aide : arrêtez-vous sur les couleurs primaires, la fenêtre d'angle, le porte-à-faux... Mais si, ça vous dit quelque chose.

 maison Schröder - architecte Gerrit Rietveld - 1924 © DR

(je vous avez prévenu, nous sommes tous victimes de déformation professionnelle)

Une maison imaginaire, censée représenter l'architecture domestique contemporaine, qui rappelle une maison construite en 1924, on frôle l'anachronisme et ce pour notre plus grand plaisir. Ce qui devrait représenter l'avant-garde actuelle n'est en fait qu'un pastiche de l'avant-garde du siècle dernier. Drôle mais raté. Enfin, ce n'est que mon avis.


À ÉCOUTER :

Claude François - Si j'avais un marteau - 1963

5.4.11

Top Archi


Top Chef, l'émission de compétition culinaire de M6, semble avoir sur moi le même effet que la madeleine sur Proust. Elle me ramène tendrement à mes années fac. Le souvenir ému de ces nuits passées en salle informatique à cliquer et cliquer encore m'enveloppe soudain. La "bonne odeur" des ateliers frigorifiques de l'école d'architecture au lendemain d'une charrette recommence à me titiller les papilles. Je me souviens alors des heures interminables passées en tête à tête avec mon cutter à découper un carton gris dont la poussière m'a toujours fait éternuer. Mais surtout, je me rappelle l'espoir qui me faisait tenir jusqu'au lendemain matin, celui de la délivrance annoncée par une présentation aux enseignants d'une planche d'équerre où les couleurs sortiraient enfin dans la teinte que j'ai choisie.

Pourquoi tant de réminiscences me direz vous? Parce que si je ferme les yeux et que j'écoute les commentaires des chefs Constant, Piège ou Marx, j'entends les professeurs qui m'ont appris le métier d'architecte. 

« La cuisine, ce n'est pas un métier, c'est une vocation, une vie ! »
« La cuisine doit être comme une deuxième femme, un deuxième amour. »

Il suffit alors de remplacer le mot « cuisine » par « architecture » et à l'école d'archi, ça donnerait :

« L'architecture, ce n'est pas un métier, c'est une vocation, une vie ! »
« L'architecture, ce doit être comme une deuxième femme, un deuxième amour. »
(ça vous dit quelque chose ?)
  
Et quand les chefs parlent des « assiettes » des candidats, moi j'entends forcément « projet ».

« Là, il y a de l'engagement dans ton projet. »
« Attention, dans ton projet, il n'y a pas vraiment de prise de risque. »
« Tu nous promets plein de chose, et on ne retrouve rien dans ton projet. »
« C'est quoi l'histoire de ton projet ? » 

Parfois, ce n'est d'ailleurs même pas la peine de changer quelque chose, on peut prendre les phrases tel qu'elles sont : 

« On note un sérieux manque de travail, quand même. »
« J'adhère complètement, tu nous a fait voyager ! » 

À force de divaguer, j'en viens même à imaginer une nouvelle compétition...

Dans le jury de Top Archi, on n'a pas peur des anachronismes.

Top Archi, ce sont 14 jeunes architectes, prêts à tout pour devenir le Top Archi de demain !
Ils ont été sélectionnés à l'issu d'un grand casting national, et n'ont qu'une ambition, celle de devenir le Top Archi 2011. À la clef de ce mois de compétition, un titre prestigieux et un chèque de 100 000 €. Pour les départager, un jury d'exception qu'on ne présente plus. Le Corbusier, Rem Koolhaas, Ludwig Mies van der Rohe et enfin Zaha Hadid. Pour être à la hauteur des attentes des Maîtres, les candidats vont devoir rivaliser de créativité et de technique autour d'épreuves inédites et époustouflantes. Ils vont revisiter les classiques de l'architecture et démontrer qu'avec de simples outils du quotidien on peut réaliser de véritables bâtiments d'exception. Ils devront convaincre des jurés d'exception, leurs familles, leurs amis et leurs confrères, tous particulièrement exigeants et surprenants. Cette année, ces 14 espoirs de l'architecture française sont prêts à relever tous les défis. L'architecte préféré des français, Jean Nouvel, sera également à leurs côtés pour leur transmettre son expérience.
Exigence et passion sont les maîtres mots de cette première édition de Top Archi, le plus grand concours d'architectes de France. Mieux que le Wilmotte ou l'Europan, plus prestigieux que le Pritzker Prize. Cette année, le gagnant devra être créatif, technique et devra surtout donner de l'émotion. Top Archi 2011, présenté par Stéphane Rotenberg et Agathe Lecaron bientôt sur M6.

Dans Top Archi :
- on ne dira pas « Oui Chef » en s'adressant aux jurés, mais « Oui Maître ».
- les épreuves seront plus stressantes, inventives, acrobatiques et dangereuses les unes que les autres (oui, parce que dans la précipitation, les candidats se couperont avec leur cutter et mettront un demi gant en latex pour ne pas tâcher le Cadapac® immaculé de leur maquette).
- les candidats auront trois heures pour copier cette maquette en lego de la Maison de la cascade sans avoir les plans du bâtiment.
- les candidats devront réhabiliter un EHPAD en 24 heures, en concertation avec ses occupants.
- il y aura des épreuves de la dernière chance où les candidats devront réaliser en une heure les plans, les coupes, les élévations et la maquette d'un immeuble de trente logements.

Finalement, devant Top Chef il n'y a qu'une seule chose qui me ramène à mon écran de télévision : j'ai quand même un peu de mal à imaginer des architectes dire d'un projet qu'il est « gourmand ».


À ÉCOUTER :

Il faut une bonne musique pour accompagner les candidats de Top Archi.

4.4.11

La ville du futur expliquée à ton petit frère

Dans le documentaire interactif « Et si on vivait dans 1m² ? » d'Isabelle Foucrier et de Nathalie Van Batten, à voir ici, c'est un peu comme dans les histoires du Père Castor. Sauf qu'ici le rongeur à lunettes est remplacé par quatre architectes. Leur dure tâche est d'expliquer à un jeune garçon très inquiet comment sa grande ville surpeuplée et polluée peut évoluer sans qu'il est un jour besoin de porter un masque à oxygène. Et finalement, ce qu'il y a de compliqué pour les architectes, c'est d'utiliser des mots simples. Alors, même si parfois leur façon d'infantiliser Rémi sans famille (et oui, on l'appellera ainsi parce qu'il n'a pas de prénom dans le film) agace, elle a le mérite de rendre audibles leurs projets en sensibilisant le plus grand nombre à l'avenir de la vie urbaine.

© France Télévisions / Narrative

Et si on vivait dans 1m² ? 
En 2050, on sera 9 milliards sur Terre (à l'heure où Rémi approchera de la cinquantaine), et Paris, qui est déjà une des villes les plus dense du monde (20 807 hab/km² à Paris contre 10 292 hab/km² à New York) ne pourra plus offrir les 36 m²/habitant actuels. Didier Faustino, de l'agence Mésarchitecture, imagine alors une unité d'habitation de 1 m² toute en hauteur avec le minimum syndical du confort, c'est à dire une chambre, une salle de bain, une cuisine et même une toiture terrasse. Mais l'architecte souligne qu'il n'est pas question d'y recevoir de la visite, il n'y a pas la place. La ville dense empêcherait-elle alors la vie sociale ? En tout cas, ce projet ne semble pas avoir seulement des limites parcellaires. 

Et si les choux poussaient dans des tours ? 
Les fameuses « fermes urbaines » de l'agence SOA Architectes sont ici expliquées par Augustin Rosenstiehl. Inspirées de celles imaginées par le Docteur Dickson Despommier pour New York, elles pourraient investir les toits des supermarchés et ainsi concentrer lieux de production et de consommation. Un système de sensibilisation à l'agriculture en France où 50 000 hectares de terres agricoles disparaissent chaque année (soit l'équivalent d'un département tout les dix ans). 

Est-ce-qu'on devra porter des masques ? 
Pour aider à purifier l'air de nos villes, malmené par la disparition des arbres en centre-ville, Vincent Callebaut propose des bâtiments aspirateurs à pollution, c'est le projet « Anti-smog ». Il s'agit de combler le manque de « transformateurs » de CO² en oxygène par des constructions, forcément vertes, dont la coque capterait les particules de CO² et, sous l'effet du soleil, les décomposerait et les disperserait dans l'air. (Là, la vidéo prend des aires de cours de Sciences Nat, un peu comme si Jamy de C'est pas sorcier s'adressait à Rémi) 

Finira-t-on par habiter les océans ? 
Puisqu'en 2050, 60% à 70% de la population mondiale habitera le littoral, va-t-on finir par investir la mer pour pouvoir loger tout le monde ? Les propositions de Jacques Rougerie laissent entendre que des extensions sous-marines sont possibles mais toujours dans le respect du milieu marin. Il n'est cependant pas question pour l'architecte d'habiter totalement sous la mer puisque l'homme n'est pas fait pour ça.

« Et si on vivait dans 1m² ? », coproduit par France Télévisions et Narrative. Nouvel épisode dans la catégorie Urbanisme de la collection de documentaires multimédias Portrait d'un nouveau monde de France 5.


À ÉCOUTER :

Parce que les Strokes ont quand même décidé de vivre sous l'eau - clip de Call Me Back extrait de l'album Angles - 2011 (réalisation Albert Hammond Jr.)

22.3.11

J'ai cassé la tasse de M. De Smedt

Tout ça partait d'une bonne intention... Enfin, une intention de groupie. Un peu.
Quand une amie vous annonce que dans la rue même où vous vous trouvez, le père de Julien De Smedt tient une petite librairie, l'envie de voir celui sans qui un des meilleurs architectes du moment n'existerait pas vous démange non ? (groupie je vous dit !)

 © MargauxD
  
Et bien l'endroit vaut le détour. On se croirait presque dans un maquette au dixième de Manhattan où les gratte-ciel ne sont pas faits en Cadapac® mais en livres. Des tours de pages aux fondations douteuses colonisent l'espace. Sauf qu'ici, pas de Central Park pour respirer un peu... Le seul vide, c'est le seuil de la porte et ce n'est même pas la peine d'essayer de déambuler dans les rayons, parce qu'il n'y en a pas. Alors, on reste planté là et on essaie de déchiffrer tant bien que mal les tranches des bouquins...

En désespoir de cause et pour lancer la conversation avec celui qu'on est venu voir finalement, on ose une question au libraire, absorbé par le paiement d'une contravention : « Vous avez un coin particulier pour les livres d'architecture ? » (bon d'accord, c'était une question un peu orientée, pour lancer la conversation et arriver à nos fins quoi...) « C'est plutôt ici mademoiselle... (dit-il en désignant le Rockefeller Center et l'Empire State Building bancales juste à côté de nous) Vous êtes architecte ? » OOOOUUUAIII ! Un bon client comme on dit chez les journalistes !

On répond poliment que oui, et voilà le gentil monsieur lancé qui enchaîne : « Mon fils aussi est architecte... JDS ça vous dit quelque chose ? » et hop, à nous de faire semblant de réfléchir : « hum, JDS, JDS ? Ah oui, Julien de Smedt ! Non c'est pas vrai ? » (c'est là que la groupie est démasquée)
Et dans l'élan, alors que le libraire vous tend un petit bouquin à la gloire du fiston, on se retourne et… BOUUUMMM ! Là, gisants au sol, les restes d'une tasse littéralement explosée, victime malheureuse d'un coup de sac trop violent pour sa petite taille... « Oups, je suis vraiment désolée monsieur ! » Déconfite, on est à deux doigts de révéler que ce genre de catastrophe arrive bien trop souvent à celle dont le slogan « les deux mains gauches » serait presque devenu un mantra. 

Rouge comme une tomate, le regard cherchant désespérément un Flatiron Building pour se cacher on finit par se dire qu'après ça, il y a peu de chance que la conversation continue. Alors on dit au revoir au gentil monsieur refroidi en se promettant que demain, on lui ramènera un joli petit mug I love New-York, et qu'en plus on lui achètera le beau El Croquis qu'on a quand même réussi à repérer.


Si vous avez vous aussi une âme de groupie...
Librairie ALIAS
21, rue Boulard
75014 PARIS


À ÉCOUTER :

Lemon Tree (pour le bruit de verre cassé au début de la chanson) - Fools Garden - 1995

Lemon Tree by walkonthemoon

17.3.11

Architecture de l'urgence « en carton »

Il ne faut pas lire dans ce titre une quelconque blague de mauvais goût. Pour une fois, nous parlons au premier degré et l'architecture « en carton » dont il est question ici est celle du bien connu Shigeru Ban. L'architecte japonais met en ce moment son savoir-faire en papeterie au service de ses compatriotes, victimes malheureuses d'une série de catastrophes (naturelles ou pas).


© DR

Dans les refuges de la région du Tohoku, où le séisme du 11 mars dernier d'une magnitude de 9 sur l'échelle de Richter a fait le plus de dégâts, l'auteur des célèbres « Paper tube structures » prépare le déploiement de dispositifs de partition d'espace en carton. L'installation de modules de 180 cm² permettra d'y améliorer un peu les conditions de vie des milliers de japonais, « réfugiés sismiques » contraints de se regrouper dans de grands gymnases hermétiques où le degré d'intimité frôle le zéro absolu.
Constitués de tubes en carton (servant de mâts et de poutres), de platines en contreplaqué, de cordes pour le contreventement et de draps pour dresser les cloisons, les modules peuvent s'assembler pour former des espaces clos de différentes tailles.
Une solution rapide et à faible coût imaginée par le studio de l'architecte en 2004 à la suite du séisme de Niigata, et qui n'a cessé d'évoluer en fonction des besoins de chaque situation d'urgence.

Cette action a besoin d'un gros « coup de pouce » pour éviter que la haute densité qui contamine ces espaces n'entraîne en plus une détresse émotionnelle chez les réfugiés... Vous pouvez faire des dons directement sur le site de l'agence de Shigeru Ban, ici.


À ÉCOUTER :

Alone in Kyoto extrait de l'album Talkie Walkie - Air - 2004

Air: Alone in Kyoto by nowowl